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jean-jacques schuhl: un vampire s'en va au bal 19 décembre lu: "entrée des fantômes" de jean-jacques schuhl (gallimard). comme ce titre lui va bien! "de fantomatiques effluves de ces temps lointains semblaient encore flotter dans l'air, des ombres, certaines voix...". jean-jacques schuhl ne fabrique pas des fantômes, ce sont les fantômes, brrr! qui viennent à sa rencontre, comme dans le "nosferatu" de murnau. il me fait penser à un vieux magicien, à un prestidigitateur boiteux, qui refait toujours les mêmes tours. il sort sa vieille flûte allemande et sa lanterne de son bagage à fermoir proustien. abracadabra! on le voit venir de loin, avec toutes les ficelles de la féerie dans ses poches, et pourtant, à chaque fois, ça marche: il érige une "catacombe sur les ruines des anciennes nuits", il nous attire dans son cercle, il répand ses sortilèges; il nous charme, il nous piège. on se croirait dans un film de la période allemande de fritz lang retouché en songe par andy warhol et le velvet underground! quand le vampire s'éloigne enfin avec son crâne mélancolique, le nez talqué, éternuant la cocaïne et les paillettes - à quoi ça sert, un poudrier , hein? -, il est trop tard, on est mordu. devant son narrateur qui rêve d'être quelqu'un d'autre et qui lui ressemble comme un frère, on peut aussi songer à un personnage d'oscar wilde dont la beauté blême serait affligée d'une faille ou d'une corruption secrète. sur la photo de bal - quel bal? quelle photo?... les vampires dansent mais ils n'ont pas d'images! -, c'est bien lui: schuhl, tiré à quatre épingles et à l'argentique, un peu froissé, flou, funèbre, glamour à mort, nonchalant, infirme et radieux, solitaire et mondain, étrangement ironique envers soi, jusqu'au pastiche. "expressionnisme", "andysme" ou "dandysme"? je n'invente rien. "j'avais, en moins prononcé, quelque chose de frankenstein le dandy, avoue son narrateur avec un parfait naturel. et il ajoute, très conscient, très épris de ses symptômes: "je m'imagine que la beauté entretient des rapports complices avec la mort, c'est mon côté romantique allemand". un jour, schuhl a rencontré un ange bleu, une fée, une nixe: ingrid caven. il ne s'en est jamais remis. depuis, il ne se sent plus si étranger à ces peurs bleues, à ces nuits blanches, sans lune et sans remède, d'où sortent des prodiges, des oracles et des enfants morts. c'est quoi, au fond, l'expressionnisme? en littérature: un surgeon noir du romantisme. un aveu exacerbé du moi le plus douloureux, le plus profond. une tendresse pour le gouffre. les français n'y comprennent jamais rien: pas assez superstitieux, trop superficiels pour encourir ces lenteurs d'hiver, ces affres, ces vertiges. mais schuhl est-il français? oui, un français violent, ironique, sentimental, ensauvagé par la forêt de novalis et les rivages de caspar david friedrich. ca commence comme un roman de barbey d'aurevilly ou même un conte de musset: "je dînais seul un soir d'hiver pluvieux, il y a un peu plus d'un an, dans un banal restaurant chinois, proche de la rue des pyramides et presque désert à cette heure, lorsque...". schuhl écrit en noir et blanc, dans une lumière d'allemagne qu'il coupe d'une pointe de rose ( dusty pink ) ou d'une goutte de sang. comme une tâche de vernis à ongles sur un cliché radiologique de son squelette. je n'ai rien compris, je l'avoue, à la première partie du livre intitulée: "le mannequin". je lis page 44: "il me regarda, perplexe, comme on regarde un pervers léger". ca résume un peu ma position. reste ces lambeaux d'élégance un peu ternie, lacunaire, libre de ses penchants et de ses dédains enchantés, qui est le style même de jean-jacques schuhl. il s'acharne à transcrire avec une dévotion hébétée, le plus fidèlement possible, ce qu'il éprouve. il n'invente rien, il obéit à une obscure sommation. il n'a aucun souvenir de ceux et celles qu'il a aimés, il ne veut que les rejoindre. p.s. dans mon billet précédent sur victor hugo, je vous parle en note du comédien et metteur en scène laurent "chu" qui a présenté le spectacle "l'homme qui rit" au théâtre daniel sorano à vincennes: il s'agit bien sûr de laurent schuh, sans "l". pardon, laurent de t'avoir déchu en désailant ton patronyme de son "s" et de son "h". rédigé le 19 décembre 2009 à 14:44 dans littérature | lien permanent | commentaires (49) | trackback (0) torugo! 15 décembre participé: à une table-ronde sur le thème: "victor hugo. le créateur et la culture" , le 13 décembre, au théâtre daniel sorano à vincennes (1). j'aime victor hugo. je me méfie de ses adorateurs mais je me méfie encore plus de ceux qui ne l'aiment pas. il a beau s'éloigner, son ombre prodigieuse, sa colère et ses murmures ne nous quittent pas. non seulement victor hugo échappe à l'oubli mais on s'attaque encore à lui comme s'il était vivant! victor hugo, oui mais lequel? comment ne pas se perdre parmi tant de visages et tant de costumes? avez-vous lu "les burgraves"?... il y a en lui le prophète, la jeune fille, le roi qui s'amuse, le bouffon, le monstre, le gueux, l'amant, la sorcière, le père meurtri, l'exilé, etc. je peux encore réciter par coeur de longs passages des "feuilles d'automne" et de "la légende des siècles". je me souviens des petits billets de 500 francs naguère, les plus usuels, les plus froissés, avec son image familière de grand-père national - la barbe blanche, le front pensif -, célébrée par les maîtres de la iiie république et sanctifié par la mémoire scolaire. ca date un peu, je sais. pourtant, au-delà de tous ces masques, c'est toujours la même grosse voix qui me berce ou qui me réprimande, qui sonne l'alarme ou le tocsin, cette haleine forte, cet élan où l'on décerne l'écho des harangues des grands orateurs de la révolution, ces frayeurs d'océan, ces fumées. un romantique français - venez armé, l'endroit est désert, il n'y a dans ces parages que lui et le doux nerval. au vrai, plus français que romantique: une main sur le coeur, l'autre dans le corsage de la bonne... quel homme! quelle santé! il est au mieux avec l'océan, l'infini, les nuages; il a mis un bonnet rouge au dictionnaire - un bonnet rouge ou un beau nez rouge , comme un clown? prenez ce qui est grand, vous tenez un sujet qui le concerne: victor hugo et dieu, victor hugo et l'humanité, shakespeare et moi... son "wiliam shakespeare" est un autoportrait déguisé. on peut se parler entre immortels, non? il traite le bon dieu en camarade et, à l'occasion, il n'hésite pas à lui tirer l'oreille: "apprends l'immensité, guetteur obscur des cieux!" il boxe dans la même catégorie que lui, il salue ses coups: "seigneur, ta droite est terrible!" il n'a pas peur, il ose. (qu'est-ce qu'un chef ? celui qui montre qu'il n'a pas peur). pour un peu, comme un hercule de foire se laisse tâter les biceps par une foule ébahie, il ajouterait: "et voilà, le travail!" qu'il rue ou qu'il s'agenouille, victor hugo veut dire la vérité, et l'écrire à l'encre rouge, tout en pinçant les muses dans le gras de la cuisse: il croit à la vérité, et il veut la dire toute, comme un enfant. olympio est poète, comme le pommier fait des pommes et le chêne des glands. on peut en rire (puisqu'aujourd'hui, il faut rire de tout) mais sans victor hugo, le monde serait encore plus méchant, et la république plus bête. chez victor hugo, on trouve cette idée étrange que la culture est l'unique ressort de l'émancipation et de l'intégration. la société française est à la fois élitaire et démocratique, élective et sélective, et pas seulement héréditaire. dans ce pays, la culture forme un lien plus solide que l'instinct grégaire, la couleur de la peau, les droits du sol ou du sang. veut-on renoncer à cela? c'est vrai, il cumule tous les défauts des français quand ils subordonnent les peuples aux idées, de préférence les leurs. il y a de l'intolérance dans notre passion pour l'humanité. victor hugo, comme tous les grands écrivains français, est dans la posture du moucheron qui se prend pour dieu (ou pour descartes) et qui, dissertant su